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24heures.ch - normes energetiques les proprietaires contraints de vendre

27 août 2025
Capture d’écran, le 2025-11-28 à 15.26.57

Les nouvelles normes énergétiques vont-elles contraindre les propriétaires à vendre ?

Les travaux de rénovation sont coûteux, surtout pour les propriétaires particuliers. Une étude du groupe Bernard Nicod évalue l’impact.

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En bref

  • Dans les cantons de Genève et de Vaud, près de 40’000 immeubles de rendement devront être rénovés dans les vingt prochaines années, pour une facture globale estimée à 45 milliards de francs, calcule le rapport de Bernard Nicod.
  • Les propriétaires privés peinent à financer les coûteux travaux de mise aux normes.
  • Les investisseurs institutionnels pourraient racheter massivement les biens mis en vente.

Environ 10% des immeubles de rendement pourraient être mis en vente dans les deux prochaines décennies parce que leurs propriétaires ne peuvent pas financer la mise aux nouvelles normes énergétiques édictées par les projets de loi genevoise (LEn) et vaudoise sur l’énergie (LVLEne). C’est ce qu’estime Bernard Nicod Conseils (BN Conseils), la filiale conseils du groupe d’immobilier romand Bernard Nicod, dans une récente étude portant sur les seuls biens de rendement. Selon elle, la facture est élevée: 15 milliards de francs pour Genève et 30 milliards pour le canton de Vaud sur vingt ans.

Concrètement, près de 12’000 immeubles, soit 81% du parc genevois, devront être rénovés: deux rénovations réalisées par jour pour un montant total de 2,1 millions de francs. Dans le canton de Vaud, environ 76% du parc immobilier seront concernés: 26’000 immeubles, soit quatre rénovations par jour, qui coûteront 4,2 millions de francs environ, calculent les auteurs du rapport.

Tous les propriétaires (tous types de biens confondus, de rendement ou non) ne pourront pas faire face au défi financier énergétique. Vendront-ils? Quid des acheteurs, sont-ils prêts à payer la douloureuse? La transition aura-t-elle un effet accélérateur ou modérateur du marché? Quels seront les gagnants? Tour de table avec des experts du domaine.

Effets sur les transactions

Les effets des nouvelles normes énergétiques sur le marché immobilier sont ambigus: à la fois frein et accélérateur de transactions. Celles-ci sont en baisse, rappelle Patrick Peyrot, de Peyrot Conseil & Immobilier à Genève: «La correction du marché a eu lieu sur le segment des immeubles de rendement: il a perdu 48% en 2024 par rapport à 2023. Aussi bien sur ce segment (27,6% des transactions immobilières au 31 mars 2025) que sur celui des maisons individuelles (27%) et des appartements en PPE (42%), un assainissement est intervenu à la suite de la hausse des taux d’intérêt. Nous avons retrouvé les niveaux d’avant 2020.»

Laurent Pannatier, fondateur et directeur de l’agence immobilière lausannoise Proximmo, estime qu’«il est peu probable que le marché, qui a déjà intégré l’impact de l’entrée en vigueur des CECB (ndlr: Certificat énergétique cantonal des bâtiments) depuis 2017, ralentisse sous l’effet des nouvelles lois».

La «décote brune»

En revanche, «les prix des transactions pourraient être impactés, en particulier pour les villas ne répondant pas aux normes, poursuit le Vaudois. C’est d’ailleurs déjà le cas: les courtiers ont vu la valorisation de maisons notée F ou G baisser de 150’000 à 200’000 francs, c’est-à-dire du montant des travaux nécessaires pour la mise aux normes énergétiques.»

Gary Bennaim, associé au sein du bureau genevois d’expertises Analyses & Développements Immobiliers, confirme: «Il est certain que, pour les maisons, des années 50 à 70 en particulier, l’obligation de fournir prochainement un indice de dépense de chaleur (IDC), encore facultatif pour l’instant, entraînera forcément une perte de valeur, en particulier si les vendeurs ne sont pas en mesure de faire face aux éventuels travaux d’assainissement énergétiques requis.»

Cette perte de valeur touche tous les segments de l’immobilier. «Si elles ne sont pas intégrées suffisamment tôt dans les stratégies des propriétaires, ces évolutions réglementaires risquent d’entraîner une baisse de la valeur de certains biens, la décote brune, souligne Emanuel von Graffenried, directeur et associé chez BN Conseils. Le phénomène pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble de la chaîne immobilière, des établissements financiers aux gestionnaires de fortune, dont les portefeuilles pourraient être impactés par la revalorisation des immeubles de rendement». Selon le responsable, à Genève comme dans le canton de Vaud, «les nouvelles exigences en matière énergétique pourraient redessiner les équilibres du marché immobilier».

Transfert de propriété

Emanuel von Graffenried insiste: «Les exigences croissantes en matière de rénovation énergétique pourraient progressivement modifier la structure de la propriété immobilière. Face aux coûts importants que ces travaux impliquent, certains propriétaires privés pourraient rencontrer des difficultés à les financer. Cela pourrait ainsi ouvrir la voie à une prise de relais par des investisseurs institutionnels, mieux armés pour répondre aux nouvelles normes. Ce glissement est déjà perceptible dans certains segments du marché. Il pourrait s’accentuer si des mécanismes d’accompagnement ne sont pas mis en place.»

Le secrétaire général de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI) Vaud, Frédéric Dovat, ajoute que les effets de ces mesures énergétiques ne seront pas les mêmes pour les propriétaires privés et pour les institutionnels. «Les premiers pourraient être tentés de vendre leurs biens immobiliers au vu de la lourdeur des démarches administratives à entreprendre avant d’entamer les travaux, sans compter le peu de subventions publiques accordées, et compte tenu également de la pénurie de main-d’œuvre pour réaliser les assainissements énergétiques.» Ces réglementations, couplées à un droit du bail très contraignant et à des procédures d’opposition, de recours, d’initiatives populaires contre des projets de construction, pourraient aussi décourager les investissements dans la pierre au profit des placements financiers, ajoute-t-il.

Le responsable poursuit: «Au contraire, pour les institutionnels, les investissements pourraient se renforcer dans la pierre, bénéficiant de conditions de financement attractives et d’une offre stimulée par des propriétaires privés désirant vendre leurs biens de rendement.»

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27 août 2025
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